Le secteur de l’événementiel est souvent perçu comme un univers où l’agilité, la réactivité et la capacité à gérer l’imprévu sont des qualités essentielles. Mais face à cette exigence, une question se pose : les personnes en situation de handicap ont-elles, elles aussi, leur place dans cet univers en mouvement permanent ?
Spoiler alert : la réponse est oui, mais les chemins sont encore semés d’embûches.
Un secteur exigeant mais en pleine évolution
Travailler dans l’événementiel, c’est souvent jongler avec mille paramètres à la fois : des deadlines serrées, des budgets mouvants, des prestataires à coordonner, des clients à satisfaire, des imprévus à gérer, parfois en talons ou en gilet de sécurité… C’est un univers où l’on court beaucoup (au sens propre comme au figuré), où les horaires ne sont pas toujours standard, et où la capacité à encaisser le stress est presque considérée comme un prérequis.
Ce quotidien intense et imprévisible donne au secteur une image de « métier d’athlète multitâche », souvent peu compatible — en apparence — avec les besoins spécifiques de certains profils, notamment ceux en situation de handicap. On imagine difficilement, par exemple, une personne avec une déficience motrice piloter un montage technique en plein air sur un terrain accidenté, ou quelqu’un souffrant de troubles anxieux gérer un événement à 1 000 personnes avec DJ, micros défaillants et retard traiteur.
Mais cette vision-là est bien trop réductrice.

L’événementiel ne se limite pas aux scènes spectaculaires ou aux nuits blanches sur le terrain. C’est un écosystème riche, où de nombreux métiers peuvent être exercés dans des conditions très diverses : coordination de projet, production, communication, création graphique, relation client, rédaction de contenus, gestion budgétaire, logistique, développement commercial, direction artistique… Tous ces métiers ne requièrent pas d’être en déplacement constant ou debout 12 heures par jour.
En parallèle, la digitalisation croissante du secteur a ouvert de nouvelles portes : les événements hybrides ou 100 % en ligne, les plateformes collaboratives, les outils de gestion de projet à distance permettent de contribuer à l’organisation d’un événement sans nécessairement être sur site. Cette mutation a eu pour effet d’élargir le spectre des profils mobilisables, y compris ceux qui étaient jusqu’ici exclus par défaut.
Enfin, de plus en plus d’agences et de prestataires questionnent leurs modes de travail, sensibilisent leurs équipes à la diversité, cherchent à offrir un environnement plus inclusif — parfois sous l’impulsion de leurs clients ou dans le cadre de démarches RSE.
Il devient donc possible, petit à petit, de réconcilier événementiel et inclusion, sans renier les exigences du secteur, mais en repensant les conditions d’exercice, les pratiques managériales et les stéréotypes.
Quelle place aujourd’hui pour les personnes en situation de handicap ?
En France, près d’un actif sur dix est en situation de handicap. Pourtant, leur taux de chômage reste deux fois plus élevé que la moyenne. Dans l’événementiel, les données spécifiques sont rares, signe d’un manque de visibilité… ou d’intérêt ? Beaucoup de professionnels en situation de handicap préfèrent taire leur statut, par peur d’être stigmatisés ou écartés de certains projets.
Les freins sont multiples :
- accessibilité physique des lieux de travail ou d’événements,
- méconnaissance des handicaps invisibles (troubles cognitifs, auditifs, psychiques, etc.),
- préjugés tenaces sur les capacités d’adaptation ou la productivité.
Et ce, malgré les nombreuses compétences que ces professionnels peuvent apporter : rigueur, créativité, résilience, sens du collectif…
Des initiatives et engagements qui font bouger les lignes
Heureusement, certaines structures tracent la voie. Des agences événementielles choisissent de collaborer avec des ESAT ou des entreprises adaptées, que ce soit pour la gestion des vestiaires, le service traiteur, le montage de structures, ou encore la fabrication d’objets personnalisés. Des salons comme Inclusiv’Day mettent aussi en lumière les innovations favorisant l’inclusion dans le monde du travail.
Les témoignages existent, même s’ils restent trop peu relayés : comme ce régisseur sourd parfaitement intégré dans une équipe grâce à une formation en langue des signes, ou cette chargée de production atteinte d’un handicap invisible qui a su adapter ses outils pour mener à bien tous ses projets.
Repenser l’événementiel pour qu’il accueille tous les talents
Si l’on veut que les professionnels en situation de handicap aient pleinement leur place dans le monde de l’événementiel, il faut parfois changer de prisme. Ne plus se demander « est-ce que cette personne peut s’adapter au métier ? », mais plutôt « comment le métier peut s’adapter à cette personne ? ».
Aménager les postes de travail
Concrètement, l’aménagement des postes est une première piste, souvent plus simple qu’on ne l’imagine. Il peut s’agir de :
- proposer des horaires flexibles pour une meilleure gestion de la fatigue ou des traitements médicaux ;
- utiliser des outils informatiques avec options d’accessibilité (lecture vocale, affichage contrasté, navigation simplifiée) ;
- repenser les déplacements : certains rôles n’exigent pas d’être présent physiquement sur site et peuvent être assurés à distance ou en amont de l’événement ;
- adapter les missions à des compétences précises, sans imposer la polyvalence totale.
Former et sensibiliser les équipes

Ensuite, il est essentiel de former et sensibiliser les équipes, car l’inclusion n’est pas qu’une question d’organisation logistique : c’est aussi une affaire de regard. Beaucoup de handicaps étant invisibles (troubles cognitifs, TSA, surdité, maladies chroniques, etc.), il est crucial de favoriser un climat de confiance dans lequel les collaborateurs se sentent libres de parler de leurs besoins sans craindre d’être stigmatisés.
Les agences peuvent aussi collaborer avec des structures expertes : associations, organismes spécialisés, consultants handicap ou encore missions handicap des grandes entreprises. Ces partenaires peuvent accompagner l’identification des besoins, la formation interne, le recrutement inclusif, voire proposer des candidats compétents et déjà formés.
Voir plus loin que les RH
Un professionnel en situation de handicap peut devenir une vraie valeur ajoutée pour le projet lui-même : il pourra par exemple mieux anticiper les besoins d’accessibilité pour un événement destiné à un public large, contribuer à une scénographie plus inclusive, ou enrichir les réflexions sur l’expérience visiteur. Inclure, ce n’est pas cocher une case sur une charte. C’est changer la culture d’entreprise et reconnaître que la diversité des profils est une force. Et dans un secteur où l’on valorise la créativité, l’adaptabilité et l’intelligence collective, ce serait dommage de se priver de tant de talents.
Pour conclure, accueillir la diversité, c’est enrichir les projets, ouvrir de nouvelles perspectives et renforcer le collectif. L’événementiel, par essence, est un métier de rencontres, de liens et de messages forts. Il ne peut donc ignorer ceux qui, trop souvent, restent à l’écart.
Oui, les professionnels en situation de handicap ont leur place dans l’événementiel. À condition que le secteur continue à se remettre en question, à créer des passerelles et à voir dans chaque différence une opportunité, et non un obstacle.
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